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On peut recenser sur Internet une douzaine d'éditions électroniques de la société du spectacle, pourquoi donc en produire encore une ? C'est qu'à y regarder de plus près, elles sont toutes diversement fautives, mais collectivement affligées de la même tare héréditaire : ce sont toutes des répliques d'une seule et même saisie mal relue du texte original, d'une première copie dont l'origine est devenue indiscernable ; mais qui se fait reconnaître à qui veut encore lire par certains stigmates. C'est ainsi que faute de pouvoir reproduire du vrai, on produit des liens, ce qui permet de développer une activité prospère d’import export de l’erreur, par là même sacralisée du simple fait qu’on la célèbre partout sur les sites "amis" ou concurrents, et selon des rites qui ne diffèrent qu'en apparence ; chaque version proposée tenant, ou renonçant à se distinguer des autres par quelque détail. Quant au vrai, divers entre les divers perdus au sein de l'infinie diversité marchande, il est désormais passé du rang de moment du faux à celui de détail du faux, parmi de milliers d'autres, et, en tant que tel, frappé de la même suspicion, devenue légitime. Il reste que les individus qui devront jouer leurs vies à partir d’une certaine description des forces historiques et de leur emploi ont, bien sûr, envie d’examiner par eux-mêmes les documents sur des éditions rigoureusement exactes. Nous nous considérerions vraiment comme "pas pratiques" si nous ne mettions pas tout en oeuvre pour tenter de répondre d'urgence à d'aussi folles exigences.
«
Et sans doute notre temps... préfère l’image à la chose, la copie à
l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être....
»
Feuerbach (Préface à la deuxième édition de L’Essence du christianisme), cité par Guy Debord en exergue au premier chapitre de la société du spectacle.